Peut-être avez-vous remarqué, sur les abris-bus, la nouvelle pub Morgan « Happy is the new chic ». Voilà qui donne à penser, vous ne trouvez pas ? Alors, que nous dit cette pub ?
Premièrement, que le bonheur est « chic », ce qui peut signifier plusieurs choses. D’abord, que le bonheur est ce qui nous rend beaux et belles, c’est une parure, une valeur ajoutée dans notre rapport aux autres. Affirmation très consensuelle ici, qui nous renvoie au domaine de l’esthétique. Mais pas uniquement, car « chic », c’est aussi un raffinement, un art de vivre : « happy » est donc un nouvel art de vivre. Eh oui, dans cette époque pas toujours drôle, on peut bien dire que le bonheur relève d’un mode de vie classieux, qui se choisit et s’entretient. Ce peut même vouloir dire que « happy » est une politesse. Le chic, le raffinement contiennent aussi le tact et la préoccupation d’autrui. L’art de vivre « happy » serait aussi un art de vivre tourné vers autrui. Le message est agréable en cette époque individualiste. Cependant, dire que « happy is chic », c’est aussi dire que le bonheur relève d’une forme d’élitisme. Le chic, ce n’est pas pour tout le monde, car si tout le monde est chic alors plus personne ne l’est. On ne peut être chic qu’en se distinguant, en arborant quelque chose que tout le monde ne peut pas avoir. Le bonheur, comme une fringue de marque, serait donc ça : un raffinement accessible à quelques privilégiés seulement.
Mais la pub va plus loin : « happy », ce n’est pas seulement « chic », c’est le « new chic », comme si le bonheur n’était qu’une mode parmi d’autres. En ce moment, la classe, c’est le bonheur. Peut-être dans six mois sera-t-il de bon ton de se plaindre de tout… Le bonheur ne serait alors rien d’essentiel, mais juste des oripeaux dont on se pare et qu’on oublie vite. Eh oui, le bonheur est versatile… Plus positivement, on peut aussi comprendre dans « le new chic », que le bonheur se réinvente : ce n’est plus un sentiment personnel, privé, un trésor que l’on cache, mais quelque chose qui s’arbore. Le bonheur serait donc un nouveau chic : il s’arbore, se montre, se partage, se revendique. Le bonheur sous cette forme serait une nouveauté, un nouveau raffinement, donc.
Et d’ailleurs, qu’est-ce qui est « le new chic » ? Car finalement, la pub ne parle pas véritablement du bonheur, elle ne dit pas « happiness is the new chic ». Elle ne parle pas non plus du fait d’être heureux : « to be happy… ». Elle dit juste « happy ». « Heureux est le nouveau chic », juste un adjectif. Qui se rapporte à quel nom ? N’importe quoi pourrait faire l’affaire. Le nouveau chic, donc, c’est tout ce qui se montre heureux : les gens, les fringues, les marques, n’importe quoi qui singe l’apparence du bonheur.
Finalement, rien de nouveau sous le spotlight de la mode : peu importe ce que vous êtes, l’important est de paraître… happy.