Le bonheur chez Épicure

Philosophe grec, 341-270 né à Samos. Malade toute sa vie, faisant l’expérience de l’exil et de la pauvreté dans sa jeunesse, ses premières années ont pu être éprouvantes. Personnalité très charismatique, il fonde à 35 ans une école à Athènes : « le jardin » où il enseignera jusqu’à sa mort, entouré de disciples et d’amis. 

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On connaît surtout Épicure par l’adjectif tiré de sa doctrine : l’épicurisme. Par là, on entend communément un hédonisme, soit une vie faite de la recherche de plaisirs. Quand on dit de quelqu’un que c’est un épicurien, on imagine un bon vivant, qui profite des plaisirs de la table, savoure les femmes, et rit à gorge déployée parmi une bande d’amis du même acabit. Encore une image d’Épinal qui n’a rien à voir avec la philosophie d’Épicure.

L’épicurisme est évidemment bien plus subtil. Certes, c’est un hédonisme, mais un hédonisme dans les limites de nos besoins naturels. Ces besoins étant finalement peu nombreux, l’hédonisme épicurien est aussi un ascétisme. Et le bonheur d’Épicure se trouve là, dans la satisfaction des besoins naturels. Ces besoins naturels, qui provoquent des désirs qu’Épicure appelle « naturels et nécessaires », sont ceux sans lesquels on ne peut pas vivre, dont la privation met l’intégrité de notre organisme en danger. Ce seront, par exemple, le désir de la nourriture, du toit ou du vêtement. À ceux-là, il faut ajouter les plaisirs de l’âme, qui concourent également au bonheur : la sagesse (c’est-à-dire la pratique de la philosophie) et l’amitié (entendue au sens de la φιλια grecque, c’est-à-dire de façon plus large que notre amitié moderne : la douceur des rapports humains, que ce soit dans la famille, le couple ou la communauté). Il en faut donc très peu pour être heureux.

Des autres types de désirs, il convient ou de s’écarter, ou de faire un usage prudent. Les désirs qu’Épicure désigne nomme « non naturels et non nécessaires » doivent être évités. Ceux-là n’apporteront jamais le bonheur. Ce sont les richesses, l’ambition, la gloire, le désir d’immortalité…, mais aussi l’amour passionnel ou le perfectionnisme. Comme ils relèvent de l’opinion et ne correspondent à aucun besoin de notre nature, ils sont par nature insatiables. On veut toujours plus de gloire, plus de luxe, plus de passion… Leur satisfaction étant impossible, ces désirs vains sont incapables de nous procurer le bonheur.

Enfin, il existe un autre type de désirs, dont il convient d’user avec circonspection : ce sont les désirs dits « naturels mais non nécessaires ». Parmi eux, on trouvera le désir sexuel et le désir artistique (le plaisir de jouer ou d’écouter de la musique par exemple). Ceux-là sont « non nécessaires » car leur non-satisfaction n’entraîne pas de douleurs physiques (comme la faim), et sont donc compatibles avec le bonheur. Ceci ne veut pas dire que le bonheur demande de s’en détourner, mais qu’il faut, avant de s’y adonner, s’assurer que le plaisir immédiat qu’ils procurent ne sera pas contrebalancé par des désagréments futurs. Il faut donc les évaluer avec prudence et apprendre à éventuellement les dissiper.

Ainsi, le bonheur réside chez Épicure dans la sélection des désirs, et pas du tout dans la multiplication sans fin de tous les plaisirs possibles, comme on le présente trop souvent. Ce serait, bien au contraire, le meilleur moyen de manquer le bonheur ! Ici, Épicure nous enjoint à nous détourner des faux biens pour nous concentrer sur les choses vraiment essentielles de la vie. Et en faisant cela, l’intensité de notre plaisir augmente. L’Épicurisme est donc bien à la fois hédonisme et ascétisme, car il s’agit de jouir plus, mais en réduisant nos désirs. Vous pouvez constater que le véritable épicurisme est donc presque à l’opposé de la caricature qu’on en fait.

Textes de référence :

2 réflexions au sujet de « Le bonheur chez Épicure »

  1. Merci pour ce billet qui casse le mythe d’une philosophie épicurienne faites de luxure et d’hédonisme vulgaire.
    Ce passage de la lettre à Ménécée est explicite : « Quand nous parlons du plaisir comme d’un but essentiel, nous ne parlons pas des plaisirs du noceur irrécupérable ou de celui qui a la jouissance pour résidence permanente mais d’en arriver au stade où l’on ne souffre pas du corps et ou l’on n’est pas perturbé de l’âme. »
    C’est étonnant de constater comment la « culture populaire » a dévoyé à ce point le propos, comme vous l’indiquez en conclusion.

  2. Très intéressant. L’altération de la signification par la culture populaire est frappante.
    Ces points cultures sont toujours intéressants et utiles, autant pour rétablir ou établir la vérité que pour mener sa réflexion.
    Merci.

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