Le consensus actuel parmi les chercheurs, derrière le généticien David Lykken, est de considérer que dans notre sentiment subjectif de bien-être, 50% viendrait de la génétique, 10% uniquement de nos conditions de vie, et 40% de nos propres dispositions. Ou pour le dire autrement : moitié de l’inné, moitié de l’acquis. On comprend bien quelle peut être la part « acquise » : l’éducation, la spiritualité ou encore nos efforts personnels pour voir la vie en rose forment les 40%, nos conditions de vie (la chance et la malchance ou encore le contexte sociopolitique large) forment les 10% restant de l’acquis. Il semble logique qu’une bonne part du bonheur vienne de là. Mais qu’en est-il de l’inné ? Que signifie que la moitié de notre sentiment subjectif de bien-être vienne de nos gènes ?
Il n’existe pas à proprement parler de gène du bonheur. On n’est donc pas heureux ou malheureux de père en fils. Mais certains gènes peuvent être impliqués dans le sentiment subjectif du bonheur. Ce serait le cas, à des degrés divers, de la sérotonine (hormone de l’humeur), de l’endorphine (qui soulage la douleur), de la dopamine (hormone de la recherche du plaisir), de la mélatonine (hormone du sommeil) ou encore de l’ocytocine (hormone de l’attachement). Par exemple, la sérotonine est un neuromédiateur qui aide à réagir positivement aux événements et agit donc comme un antidépresseur naturel. Or, ce neuromédiateur a besoin, pour être efficace, d’être transporté par une protéine, dont il existe deux versions : une forme longue, qui permet de transporter de grandes quantités de sérotonine, et une forme courte qui ne permet pas d’en transporter autant. C’est la forme de cette protéine, longue ou courte, qui est déterminée génétiquement. Si vos deux parents vous ont transmis une forme courte, vous serez moins équipé pour réagir positivement aux coups durs et vous serez donc plus vulnérables aux baisses de régime que quelqu’un qui aurait reçu que deux formes longues. Mais comme vous l’imaginez, « moins équipé pour réagir positivement » ne signifie absolument pas « condamné à réagir négativement ». Aucun déterminisme ici (tout comme être sensible aux rhumes ne vous condamne pas à être enrhumé en permanence). Une sensibilité accrue signifie donc que vous aurez peut-être plus d’efforts à fournir pour vous sentir bien, mais ne présage en rien du degré de bonheur que vous parviendrez à atteindre. Au contraire, l’assurance excessive des porteurs de gène long peut parfois les pousser à prendre trop de risques, subir des revers répétés et finalement… à déprimer.
Finalement, bien qu’on puisse influencer un peu la production de certaines hormones par notre comportement et notre régime alimentaire, le plus important est sans doute de prendre conscience de la dimension innée de notre bonheur. Non pas pour remercier ou maudire le ciel pour la loterie génétique, mais plutôt pour prendre du recul sur certaines humeurs. Comme le disait le philosophe Alain, la majorité des tristesses sont d’origine physiologique les soulage en partie et atténue les effets des ruminations contreproductives. Apprendre à se connaître, savoir qu’on est plus ou moins sensible face aux événements négatifs permet aussi de gérer plus efficacement nos humeurs, d’éviter les situations à risques, d’être plus indulgents avec nous-mêmes. Intégrer l’inné dans notre recherche de bonheur peut aussi être une façon d’insuffler plus de bien-être dans notre vie.
oui je veux être heureux